Jeu de Rôle Médiéval-Fantastique

Les deux légions noires, sous les deux bannières du Nâ-Khêl et du Nankhor, avaient frappé de concert et leur attaque avait été tout aussi soudaine que dévastatrice, concentrée sur une portion bien définie du rêve cosmique. Ainsi, d’un côté Diables et Chimères, par le venin des illusions avaient formé le Dédale de la fuite extrême des Infants en leur propre esprit, des confins qui s’étaient étirées en toute démesure. Quand, les Démons et le Chaos, en perversion de la Puissance, avaient fait exploser puis imploser les domaines des Infants, faisant hurler la furie des Fosses, un million de traits mortels arrachant violemment la réalité locale du Grand-Règne.
Deux nouveaux règnes marquaient désormais les Hauts Royaumes du Temps, chacun pris dans son propre néant.
Les Limbes, distendues, et l'Univers, perdu dans la fureur de sa genèse violente. Deux nouveaux Règnes noirs.
Et deux nouveaux Gardiens.
L'un, méditant, maître de son esprit et des mille temples, Mandobba le libéré et protecteur des Mystères - gardant la voie interdite menant aux Limbes, déjouant à jamais ses folles illusions.
L'autre, érigé en force suprême, Grand Symbole de Guerre, le Warengh tout victorieux - maître de la Puissance et stoppant quiconque voudrait entrer ou sortir de l'Univers sous l'empreinte du Chaos.
Ainsi en allait-il désormais jusqu'au repli des Temps.

Les Champs du Temps

Les Champs du Temps, notre Univers, sont donc ces espaces vides, distendus par la course mortelle des Fosses du Temps, mais abreuvés par les flots d'énergies s'écoulant par le Seuil. Le Korm-Silijorn - infranchissable par quiconque - marque le point d'entrée de l'Univers. Par celui-ci s'épanchent en trombe les eaux lumineuses, apportant les quatre essences énergétiques du Haut-Cosmos au-delà. Le fleuve de la Vie s'écoule ainsi toujours, tombant captif dans les vastitudes glacées. Il y répand les essences venues du Grand-Règne, abreuvant de lumière le désert autrement froid et silencieux.

Au sein de l'Univers les spirales d'énergie, constellées d'étoiles, gravitent lentement dans le vide, autour des grandes Fosses du Temps, puissants puits de ténèbres ... Captées par elles, les énergies lumineuses primordiales se trouvent alourdies à mesure qu'elles parcourent les étendues sombres du vide, et deviennent peu à peu Matière.
Au fil des éons la Matière est devenue agrégats, et des mondes par millions sont apparus dans les cercles invisibles autour des étoiles, conditionnés en partie par lourdeur des Fosses, mais baignés par la lumière stellaire, pâle reflet du Grand-Règne, désormais inaccessible. Parmi ces mondes, quelques-uns, rares, accueillirent les flots énergétiques de la Vie et celle-ci put s'y développer, étrangement. Ces mondes, bénis par les eaux sacrées, tels d'improbables oasis perdues au sein de l'Univers, fleurirent et donnèrent des êtres pour les peupler ... Mais ces êtres ne sont pas ceux qui furent avant la Chute, car ils ne venaient pas tirés des visions des Infants des Dieux mais plutôt comme accident heureux au sein du tragique paysage cosmique des Champs du Temps, par un détour de la Vie qui s'y répand, forcée en cela par l'appel des Fosses. Et ces mondes sont des endroits très contrastés, des entre-deux soumis aux deux pôles de l'Univers, donc marqués par le cycle de la naissance et de la mort, par la lutte pour la Survie imposée par la condition charnelle.

Ainsi sont les Champs du Temps, espaces froids et noirs, une immensité perdue entre ombres et lumière.

Les Grands Yéods

Nous autres, simples mortels, ne possédons qu'une vue limitée de l'Univers, et en un certain sens faussée. Nous ne connaissons que l'apparence du monde matériel, de terre, d'eau et d'air, avec, au-delà le néant glacé, étendu jusqu'aux confins ... Pourtant, nous sommes nés de ces mondes particuliers, consacrés, et les courants invisibles à nos yeux des essences anciennes les abreuvent ; ils coulent avec grâce, toujours, menant vers des ailleurs insoupçonnés... Et ce sont les quatre Yéods, les quatre voies qu'empruntent les énergies cosmiques primordiales, traversant les Champs du Temps et qui leur donnent la Vie. Les Yéods s'étirent de fait depuis le Grand Seuil où les eaux chutent en trombe, traversent l'Univers et atteignent les étoiles, les mondes, et les êtres, puis se perdent, en bout de course, aux Abysses.

Les Yéods forment un continuum, une déclinaison fondamentale des énergies déversées au néant, un néant apparut dans le sillage de la chute des Fosses et à l'origine de l'univers. Dans l'univers, les essences primordiales sont ainsi peu à peu contraintes en matière élémentale à mesure de leur parcours : d'abord lumineuses, éthérées et subtiles aux abords de la Source; puis divisées, figées et stables sous les étoiles et enfin agitées, lourdes, denses et ténébreuses au Dûmak avant les Fosses. Il s'agit d'une continuité cosmique, navigable, par ceux qui en ont les moyens magiques... Les Yéods ne forment qu'un seul et même courant énergétique au niveau du Korm-Silijorn, là ou ils débutent. Mais très vite la division fondementale apparaît : ainsi naissent les Quatre Eléments, caractéristiques de chacun des Yéods. Ainsi, le Yod-Sarhel qui devient une Terre infinie , le Yod-Barans qui est ce grand océan touchant tous les mondes, le Yed-Vaki ou cieux infinis pour l'élément aérien, et enfin le Yed-Qandhor pour l'élément feu, ce grand domaine astral rayonnant dans les ténèbres et qui permet le voyage des âmes entre mort et renaissance.

Prises entre ces deux pôles énergétiques de l'univers, les orbes-mondes gravitent dans le néant et sous les étoiles. Elles sont une sorte d'entre-deux stable, entre le don de la Vie qui s'écoule par le Korm-Silijorn et sa perdition aux Fosses du Temps. Les mondes vivants sont extrêmement rares parmi les orbes mondes, mais on les trouve facilement si l'on voyage par les Yéods, car ils y sont connectés par les eaux de la vie qui les abreuvent (c'est pourquoi les Tellaris purent trouver Gond, ainsi que bien d'autres mondes ...). Remonter les Yéods à partir des orbes-mondes est possible. Cela implique un voyage long, pas forcément dangereux - sauf depuis les mondes en perdition, tels que Gond - pour peu que l'on soit bien guidé. Les plaines verdies du Yod-Sarhel apparaissent alors ondulées et vastes, le bleu de l'océan du Yod-Barans s'étale loin, paisible, les cieux du Yed-Vaki s'étendent en sérénité à perte de vue, et la lumière dorée du Yed-Qandhor, elle, semble infinie. Après un temps long de voyage, mais au sein du Temps qui se raccourcit, paradoxalement, on se rapproche finalement de la Source. Là, le Yod-Sarhel, qui n'était que plaines herbeuses, commence à se couvrir d'une étrange végétation, et ce sont les débuts de la Grande Forêt d'Eyalh. Le Yod-Barans, lui, se resserre, et rejoint la Terre Infinie pour la border, puis se divise en de nombreux fleuves qui prennent leur source au coeur de la Grande Forêt. L'eau se mêle à la terre, la lumière descend sur l'étendue, le Yed-Vaki se fait bas et en son sein on peut commencer à voir apparaître les grands baliphores, ces étonnantes et puissantes créatures mi-aériennes, mi-aquatiques, lévitant avec grâce, et qui dérivent paresseusement au dessus de l'étendue d'Eyalh... Ce sont des esprits, ou plutôt, des évocations magiques issues de tous les mondes consacrés, ils réflètent les formes que prend la Vie là-bas. La Grande Forêt d'Eyalh est ainsi bruissante de vie, les esprits animaux remontent les Yéods, les fées et les petits êtres de lumière habitent sous ses frondaisons, et dans l'éther astral du Yed-Qandhor on peut discerner les âmes des êtres voyageant entre renaissance et mort, de ceux les plus vertueux parvenant à se rapprocher de la Source des Yéods... À ce niveau, les Yéods se resserrent, la Source étant proche, et les éléments se font subtiles, se rejoignent et s'entremêlent. Ultimement, les quatre Yéods se rejoignent sous Arängath, la cité des Gardiens, au pied du Korm-Silijorn, où chutent les eaux primordiales à l'Univers.

Inversement, descendre vers le Dûmak depuis les orbes-mondes n'implique pas de voyage long, mais est une voie pleine de dangers et d'ombres. Bien que les Yéods s'y fassent tortueux, pour qui cherche le seuil des Fosses, le voyage peut être rapide. Le Yod-Sarhel devient un désert, d'abord torride puis glacé, qui débouche sur des remparts titanesques et noirs, surmontés des tempêtes du Yed-Vaki, et grevés de grottes sombres qui sont in fine le seul passage practicable vers l'au-delà ténébreux. L'océan du Yod-Barans entre lui vite en furie, également malmené par les tempêtes sempiternelles, et finit par des chutes titanesques et des maëlstroms sans fond se jetant dans l'ombre. Les cieux du Yed-Vaki, on l'a dit, sont agités de tempêtes terribles, royaumes d'esprits désincarnés, et au delà c'est le vide, l'air se raréfiant ultimement. Enfin le Yed-Qandhor entre dans des zones d'orages astrals, où les éclairs abondent, ce sont les espaces bleus où errent les âmes des damnés, puis perd peu à peu toute lumière pour devenir ténèbres... Au delà de ces horizons noirs, on entre dans le Dûmak - terminaison des Yéods, sorte d'équivalent funeste du Haut-Règne, où résident les quatre cités déchues. Là les énergies se rebellent une ultime fois avant de passer définitivement le seuil des Fosses, là où tout n'est plus que Chaos.